Toujours à propos de la boulangerie coopérative ou quand la presse locale prend position...

Publié le par adolphine

Article du Courrier de Bayonne paru le 4 juillet 1891

 

La population du Boucau manifeste depuis quelques jours une certaine inquiétude à la suite d'une décision prise par l'administration des Forges de l'Adour.

On prête, en effet, à celle-ci l'intention de créer un économat dans le genre de celui qui a été établi par les Compagnies de chemins de fer et qui livrerait aux ouvriers des usines des denrées presque au prix coûtant. Cette évolution économique commence par la boulangerie.

L'adjudication des travaux a déjà eu lieu, et on dit que cette installation coûtera une vingtaine de mille francs avancés par l'usine.

Cette création va enlever aux boulangeries locales toute leur clientèle, et on comprend l'émotion qui règne dans la population.

 

Une boulangerie du quartier

 

Quand les ateliers de l'usine ont commencé à fonctionner et ont attiré toute une population nouvelle de travailleurs au Boucau, des boulangeries se sont ouvertes pour faire face à toutes les exigences de la situation. Aujourd'hui, si on leur enlève la clientèle des ouvriers des forges, la plupart sont condamnés à disparaître. On commence par les boulangeries, mais ce seront demain les bouchers, les tailleurs, les cordonniers etc... qui seront supplantés. Tout y passera.

Nous reconnaissons qu'il y a avantage en principe à rapprocher le consommateur du producteur et de réduire le nombre des intermédiaires. Les Sociétés coopératives ont pour raison d'être de corriger les abus de cette situation; mais on doit aussi songer que la majorité des travailleurs de l'usine est composée de gens du pays. Leurs familles exercent au Boucau diverses professions qui assurent leur existence.

Qu'on généralise pour toutes les industries le principe qui prévaut aux Forges pour la boulangerie, et on enlève à cette population ses moyens de vivre. Tous ces besogneux tomberont à la charge des ouvriers des usines; ceux-ci auront économisé quelques centimes sur leur pain, sur leur viande, mais ils auront à côté d'eux des parents auxquels ils devront venir en aide.

Les transformations de ce genre doivent s'opérer avec calme et sans brusquerie; elles doivent naître progressivement du groupement naturel des ouvriers qui ne s'y décident qu'avec prudence et qui s'inspirent de leurs intérêts et de la situation; mais ici, c'est une révolution qui vient subitement détraquer les engrenages existants de par la volonté d'une puissante Société qui tend à accaparer et à monopoliser tout ce qui touche à l'ouvrier qu'elle emploie.

Dans ces conditions, l'existence d'une usine cesse d'être un avantage pour la région où elle s'implante et vient semer la ruine autour d'elle.

Nous ne disons pas que l'on ne doive pas souhaiter de voir augmenter le nombre des producteurs et la diminution des intermédiaires; mais cette modification ne se fera sans péril qu'en respectant à la fois la liberté individuelle, l'initiative individuelle et l'exercice du droit d'association.

Nous ne croyons pas que ce soit le rôle d'une compagnie de provoquer ces bouleversements dans l'organisation sociale.

 

Publié dans Histoire

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